II
Bertaud marchait le long du port en compagnie de son ami Lydos. Lydos n'était que lieutenant, néanmoins il avait fait ses preuves lors de nombreuses batailles et avait plusieurs fois sauvé la vie de Bertaud lors de situations délicates.Ces deux gaillards étaient inséparables malgré leur différence de grade. Ils s'arrangeaient toujours pour se retrouver dans les mêmes campagnes ou les mêmes galères.
-Alors, c'est quoi cette histoire de croisière ? Demanda Lydos.
-Appelle ça comme tu veux, mais selon Kadok c'est notre seule chance de sauver l'Empereur.
-Comment peux tu être assez stupide pour faire confiance à Kadok, tu ne te rappelles pas le coup de la transformation de Kadon.
Parmis toutes les qualités et défauts de Lydos, Bertaud adorait la franchise de son ami.
-Oui c'est vrai que sur ce coup, j'avais eu l'air malin au milieu de ce bataillon d'orques, sans une seule arme.
-Je crois me souvenir qu'il te manquait autre chose que ton épée. D'ailleurs si tu avais été habillé je ne pense pas que les orques auraient été aussi surpris.
Parmis toutes les qualités et défauts de Lydos, Bertaud détestait l'humour moqueur de son ami.
-Bon-bon-bon, dit Bertaud pour éloigner la conversation du sujet dont il n'était pas fier. Allons inspecter ces navires.
-Et combien y a t-il de navire?
-Six.
-Six, répéta Lydos sous l'effet de la surprise, mais pourquoi autant.
-Selon Kadok c'est le juste nécessaire.
-Bon ben, je te laisse te taper l'inspection, moi je vais me faire un bon petit déjeuner.
-Nan tu dois m'aid... Bertaud n'avait jamais le dernier mot avec Lydos, ce dernier s'éclipsant toujours avant la fin de la discussion.
Bertaud était sur le pont supérieur du bateau de tête,il était en compagnie de Kadok, Lydos et cinq autres lieutenants. Ils pouvaient encore apercevoir le port qu'ils avaient quitté il y a quelques minutes.
-Alors Kadoc, voulez vous bien nous expliquer votre plan.
-Très bien, vous savez tous que l'Empereur est très malade, et que...
-Ah ça on le sait, le coupa Lydos, sinon jamais je ne serai monté sur cette maudite barque pourrie, il se pencha vers la mer et vomi son copieux petit déjeuner qu'il regrettait amèrement.
Kadoc continua, cela ne servait à rien de parler à cette gouttière insolente.
-Voila il se trouve qu'il n'existe aucun remède à son mal.
-Et, s'écria Bertaud. Vous m'avez dit que vous aviez...
Le mage le fit taire d'un geste de la main.
-Aucun remède connu, ajouta t-il. Car d'après ce livre,il existe certaines créatures dotées d'un savoir et d'un pouvoir incommensurable. Et s'il existe quelqu'un capable de nous aider c'est bien eux.
-Et qui sont ces « eux »,demanda Bertaud.
-Les Slanns, répondit Kadok sur un ton théâtrale et mystérieux.
-Jamais entendu parler, s'exclama le gros lieutenant au nez protubérant à la gauche de Bertaud.
-Mais c'est parce que ils vivent cachés et isolés du monde extérieur, dans de somptueuses cités secrètes, défendues par des hordes de guerriers disciplinés et inspirant la terreur aux êtres inférieurs, comme vous tous.
-Et qu'est-ce qui vous fait penser qu'ils vont nous aider, demande Lydos qui venait d'émerger de son occupation passagère.
-Je ne sais pas quelle sera leur décision, mais si j'avais pensé qu'ils seraient d'accord vous ne seriez pas là.
Voilà une semaine qu'ils naviguaient. Ils fendaient les vagues à bord de leurs majestueux navires, aux mats dressés vers le ciel, tel des cheveux frottés sur une couverture de fourrure. La plupart des hommes n'avaient jamais pris le bateau, aussi certains avaient le mal de mer. Biensure Kadoc avait entrepris un acte d'extrême bonté, en proposant au malade de payer en échange d'un sort faisant disparaître les maux de cette maladie. Lydos refusait de payer, mais il fut tout de même soigné en ignorant que Bertaud avait réglé les tarifs excessifs du vieux sorcier.
Les hommes ne pouvaient sortir sur le pont seulement à certains horaires. L'ennui s'emparait des soldats comme le Choléra, mais certains irréductibles persistaient à jouer aux cartes ou chanter des chansons paillardes. La plupart des guerriers voués à l'Empereur discutaient de tout et de rien en astiquant et en affûtant leurs armes.
Dans chaque bateau se trouvaient un groupe de cinq archers, cinq arquebusiers, une compagnie de dix joueurs d'épée, une quinze d'hallebardiers ainsi que vingt lanciers, un canon et ses servants, un lieutenant et biensure un équipage au complet. Cette disposition avait été effectuée pour diminuer l'impact des pertes en cas d'accident.
Seul le bateau principal contenait plus de membres, il y avait à son bord dix cavaliers et leurs montures qui déprimaient dans leur cale sans pâturage, ainsi qu'un général et un sorcier qui se disputaient constamment.
Lorsque Kadok avait annoncé qu'on ne servirait plus de boeuf séché au repas, mais seulement le poisson que les hommes pêcheraient durant la journée, l'ambiance était devenue tendue et électrique. Mais les hommes avaient finalement compris qu'ils ne savaient pas pour combien de temps ils seraient là. D'autre part cette activité leur autorisait de sortir à l'air libre et par la même occasion tuait le temps qui pullulait sur le navire.
L'ambiance était sereine et monotone et les jours se suivaient et défilaient de façon sempiternelle.
Le vent soufflait encore et encore, le bruit de ses bourrasques s'apparentait au hurlement d'un monstre par une nuit de pleine lune. Bien que les hommes présents sur les bateaux étaient de nature solide, il ne pouvaient s'empêcher de frissonner à chaque détonation du tonnerre, qui semblait aussi proche que les murs suintant d'eau salé, auxquels ils étaient appuyés.
Voilà un mois que la tempête s'acharnait sur les vielles bicoques qui osaient naviguer en son sein.
Malgré leur fatigue, les hommes ne parvenaient pas à s'endormir ou se reposer, et l'humidité omniprésente les rendait agressifs et impulsifs. Ils se serraient tous les uns contre les autres pour lutter contre le froid et il ne bougeaient seulement à l'occasion de l'unique repas de la journée. Le seul sentiment de joie était celui d'avoir remis le boeuf séché au menu, aucun ne pouvaient pêcher par ce temps. Mais le boeuf séché ne suffisait pas à rendre le sourire aux soldat de l'Empire. Certains avaient abandonné toute envie de vivre et mourraient à petit feu par la maladie et la dépression.
Cette tempête était le pire ennemi qu'ils avaient eu à affronter sur l'océan. Le pire ennemi pour l'instant.
Bertaud venait de se réveiller,il devait aller au petit coin pour la grosse commission, il maudit ses intestins en pensant au chaos qu'il allait devoir affronter pour satisfaire ses besoins primaires. Il avait pris sa couverture et l'avait enroulée autour de son corps endolori par une nuit de sommeil dans un lit aussi inconfortable que la pierre. Il prit une grande inspiration, remonta sa couverture sur son nez, ouvrit la porte de sa cabine, et vit un spectacle sidérant.
Le bateau naviguait sur une eau bleu clair de la même couleur que le ciel sans nuage qui le surplombait. Les premiers rayons du soleil l'éclairaient faiblement et un vent chaud et sec lui caressait gentiment les joues. La tempête était finit, laissant place à une mer aussi calme qu'un ours en hibernation. Bertaud était heureux et considéra que son système digestif pouvait bien attendre le temps d'une petite ballade sur le pont.
Tout les hommes étaient présents sur le pont et appuyés contre la rambarde,ils admiraient cette mer calme qui avait failli leur être fatale. Les hommes se faisaient de grands signes de bateau en bateau. Les passagers du bateau principal scrutaient les cinq chaloupes qui venait vers eux, pour voir si il n'y avait pas des connaissances envoyées en compagnie des cinq officiers.
-La tempête est enfin passée, déclara Bertaud.
-Oui et d'après le capitaine nous sommes bientôt arrivés, répondit l'un des lieutenants.
-Ce n'est qu'une question d'heure tout au plus, dit Lydos.
Ils furent coupés par le son de la vigie :
-Terre ! Terre ! Terre en vue !
Les hommes hurlaient et sautaient de joie, se donnant de grandes tapes derrière le dos. Devant eux s'étendait la côte de leur destination.
Sous cette angle la Lustrie avait l'allure d'un paradis tropical. Une longue plage de sable blanc au relief striée par le vent, démarquait la mer d'eau turquoise et limpide du mur de végétation colossale et impénétrable. Les soldats étaient heureux il avaient survécus à la tempête et s'apprêtaient à débarquer sur cette île de rêve.
-Regardez, des oiseaux ! S'exclama un des archers.
Les hommes contemplaient les voltiges aériens de ces formes floues volant dans le ciel.
-Hé ! Ce soir c'est poulet-frites, plaisanta un arquebusier qui prit son arme dans ses bras et mit en visée l'un des volatiles. Il tira.
-Ah ! Tu l'as manqué ! Le chambra un de ses camarades. Si tu tires aussi bien que tu ne...
Il ne put jamais finir sa phrase, un bloc de roc de la taille d'un tonneau de vin s'écrasa sur le haut de son crâne chauve. Projetant ainsi des parties écrasées de son anatomie au milieu de la foule encore surprise par le fracas quelle venait d'entendre.
Voila, j'ai eu des petits soucis de délai, mais c'est bon.