Mais qu'est-ce qu'il vient faire de la nécromancie au milieu de la nuit le vampire...
Ben pour être franc... c'est pour la bonne cause
En effet, passant sur votre forum, j'ai réalisé que j'avais publié ce petit texte d'essai sur les hommes-lézard il y a maintenant un an (HAN). Et que depuis facilement 6 mois j'avais trois pages qui trainaient dans un .txt planqué dans mon ordi... Enfin ça c'est pour la ptite histoire. Pour la longue : j'ai prit mon clavier à deux mains et rédigé la ptite page qu'il manquait pour pouvoir partager une suite !
Merci à tout deux pour vos remarques, notamment sur les coussinets. J'ai révisé mon anatomie des caméléons en en effet, contrairement à ce que j'imaginais, ils n'ont pas de "ventouses" sous les pattes. Juste des griffes. J'ai corrigé cela il y a une dizaine de mois. (l'edit de tout à l'heure concerne une tournure qui ne me plaisait plus).
Enfin, trève de blabla. Je vous laisse profiter et vais essayer d'être plus rapide pour la suite :whistling:
Chapitre 1
Porté par les courants aériens, il survolait l'imposant complexe dans en silence. En quelques instants il se retrouva au-dessus de son objectif dont la couleur tranchait avec les pierres alentours. Traversant son territoire de chasse, il avait remarqué l'apparition brutale de cette nouvelle mare. Ainsi que les proies facile qui y avaient déjà élu domicile. Rien ne pouvait échapper à son regard perçant, pas même la menaçante créature bipède qui rôdait en permanence près de celle-ci. Et celle-ci était justement absente en ce moment même. Comment refuser un tel festin, offert par la providence ?
Incurvant ses ailes volumineuses, il sentit le tapis d'air gonfler son plumage comme il amorçait sa descente. Tournoyant, attentif au moindre détail, il cherchait la bête si souvent vue dans cette partie de la forêt. Une bête solitaire, incapable de le suivre dans les airs. Mais son instinct lui intimait de ne pas s'y frotter. Prudence comme lâcheté étaient des concepts étranger au rapace dont les griffes se plantèrent dans l'écorce. En revanche, il savait se montrer opportuniste quand l'occasion se présentait. L'arbre où il venait de se poser plongeait dans la mare étonnamment fraîche à l'ombre d'une structure dévorée par les plantes grimpantes.
Une dernière fois, il balaya l'endroit de ses grands yeux jaunes. Le lieu était désert. Il était seul. Seul avec ses proies. Celles-ci se tortillaient sous la surface de l'eau. Inclinant la tête, il en estima la profondeur à présent qu'il avait osé s'en approcher. Et en conclut qu'elle était plus profonde qu'il ne s'y serait attendu, mais surtout, pas assez pour dissimuler un quelconque prédateur embusqué. Même si dans les profondeurs il pensait discerner… sous les remous causés par les gros têtards… Avide de découvrir un met inattendu, il approcha son bec de l'eau…
Un mouvement suspect le fit bondir de côté. L'instant suivant une douleur fulgurante lui traversa le poitrail. L’imposant rapace roula de côté en lâchant un cri assourdissant et dévala les quelques marches du bassin, bâtant des ailes pour se redresser. Bondissant du muret végétal surplombant ses protégés, le reptile aux écailles bigarrée se redressa en brandissant une seconde javeline. Bien que blessé, l'oiseau mesurait facilement deux fois la taille de Keg'zalt pour une envergure des plus impressionnantes. Et était doté d'ergots acérés. Tentant maladroitement de redécoller de battements d'ailes furieux, il fouetta l'air de ses pattes et essaya de taillader l'homme-caméléon. Mais celui-ci le prit de vitesse et chargea, bondissant au-dessus des serres tranchantes. La seconde javeline pénétra profondément l'épaule de l’intrus, un nouvel élan lui paralysant l'aile dans la foulée. Tout deux retombèrent sur le sol pavé dans un amas confus d'écailles et de plumes.
Quelques moments plus tard le calme était revenu sur les ruines. Péniblement, Keg'zalt se redressa. Ses doigts épais étaient encore fermement serrés sur les manches de ses armes. Il secoua la tête, puis abandonna là la dépouille de son ennemi. Malgré la plaie profonde à sa hanche, il se traîna sur trois pattes jusqu'au rebords du bassin. Impassible, il laissa toutefois transparaître son soulagement lorsque ses épaules s'affaissèrent. Ses protégés n'avaient rien.
Tournant son regard vers l'imposant rapace, il l'étudia longuement, mettant de côté la douleur lancinante qu'il éprouvait. Voila trois jours qu'il avait remarqué le manège du rapace géant. Après une première approche alors qu'il avait la négligence de consulter les autres bassins de la cité, il c'était contenté de survoler les lieux en planant très haut dans le ciel. Mais le regard de Keg'zalt ne cillait jamais, pas même au zénith. Et sa patience ne souffrait aucune rivale. Il avait attendu embusqué pendant toute une journée, accroché dans le lierre et imitant le motif complexe des entrelacs végétaux. Le reptile était parvenu à tromper les sens affûtés de l'oiseau. Et venait d'obtenir de quoi se sustenter pour les jours à venir.
Le caméléon l'ignorait, mais il était le doyen de toutes les créatures de la jungle. Et il pratiquait l'art de l'embuscade depuis sa prime jeunesse avec un talent perfectionné au fil des siècles.
L’astre brûlant poursuivait inlassablement sa course, jours après jours. Et malgré l’épreuve de la chaleur, Keg’zalt continuait à surveiller le bassin, attentif de l’aube au crépuscule. Et pourtant le nouveau jour trouvait le reptile éveillé. Toujours attentif. Il ne s’éclipsait plus depuis l'attaque une semaine plus tôt.
*
Depuis des milliers d’années, les bassins s’étaient taris, n’engendrant plus de nouveaux reptiles. Et, les siècles passant, tous ceux de la cité avaient trouvés la mort. Uns par uns. Jusqu’à ce que Keg’zalt ne finisse seul. Dernier survivant d’un monde révolu.
Mais l’espoir renaissait. Au fil des jours, il voyait les amphibiens grandir sous ses yeux, évoluant sous la surface de l'eau. Les plus téméraires venaient déjà happer au vol les libellules qui flânaient au bord de l'onde. Dans une lune à peine ils seraient assez grands et forts pour émerger.
Si le caméléon restait de longues heures immobile, son esprit lui bouillonnait. Quels étaient les projets des anciens disparus ? Pourquoi donner redonner vie à leur espèce éteinte ? Avaient-ils réellement anticipés qu’il serait seul pour accueillir cette nouvelle génération ? Serait-il capable de leur transmettre ses propres connaissances ? Encore eu-t-il fallut qu’il se rappelle comment communiquer. Il n’avait pas articulé un mot depuis plus d’un demi-millénaire. De plus… il était peut-être encore tôt pour se projeter dans l’avenir. Keg’zalt était âgé. Très âgé. Mais il avait des souvenirs très précis sur le sort à réserver aux portées difformes. Et si ses espoirs devaient n’être que des mirages, la lame ébréchée à son flanc ne lui ferait pas défaut.
*
- Elle existe ! S'écria-t-il.
Titubant d'émotion, la poignée de primates franchit les colonnades délimitant jadis les portes de la cité.
- Elle existe ! Elle existe elle existe elle existe ! J'vous l'avais bien dit bande d'idiots !
Et pour ponctuer sa déclaration, il alla embrasser le crâne dégarnit d'un de ses compagnons à bout de souffle. A la différence du reste du groupe, le spécimen le plus loquace n'était pas affublé d'un lourd paquetage et allait déjà s'aventurer dans les premières ruelles. Maugréant, les autres lui emboîtèrent péniblement le pas, dégoulinant de sueur en quittant la jungle étouffante.
- Suivre les dessins gravés sur le mur d'une ruine… tu parles d'une idée…
- Une idée à la con, surenchérit son voisin. Pourtant il a vu juste… et tu me doit trois pièces.
- J'ai l'air de les avoir sur moi ?
Alors que les sherpas suivaient leur ‘guide’, ils ne remarquèrent pas l'ombre toute proche glisser dans les fougères.
- C'est tout bonnement incroyable, poursuivit le premier primate. Quel genre d'homme a bien pu vivre dans un tel endroit ?
- Hey l'génie, et si tu arrêtais de baver sur ce que tu vois pour plutôt nous dégotter où on va récupérer d'l'or ?
- De l'or, oui oui de l'or… répéta le guide sans réellement l'écouter, ébloui par les baraquements dévorés par le lierre. Même après tant d'années ils résistent au ravages du temps, pensa-t-il à voix haute.
Exaspérés, les suivants déposèrent leurs paquetages à l'ombre d'une statue éboulée. D'un œil mauvais, le premier des trois larrons murmura en désignant l'illuminé du menton :
- Nikolas, tu crois pas qu'on devrait l'planter là ?
Ces deux complices échangèrent un regard étonné, puis lorgnèrent eux-aussi vers le quatrième de leur groupe.
- On s'est trimballés tout l'bardas pendant des semaines à travers la jungle pendant qu'y crapahutait devant. Dévorés par les moustiques, empêtrés dans les marais, a bouffer des saletés avariées…
- Bouffés par les sangsues… ajouta Nikolas en reniflant.
- Bouffés par les sangsues, acquiesça le premier en hochant la tête.
- Et aussi Aie !
Le-dis Nikolas se claqua le mollet en pestant. Mais le mal était fait et la piqûre lui brûlait déjà la peau.
- Foutu pays de mes deux !
Les quatre primates progressèrent dans les allées désertes de la cité. Sans remarquer l'ombre silencieuse qui longeait leur avancée.
- Deux pièces qu'on trouve de l'or avant ce soir ! relança l'un des porteurs en sortant d'une bâtisse vide.
- Tenu !
- Tu m'devras bientôt deux pièces de plus, ricana-t-il. Y'a de l'or dans cette ville. J'le sens. Et…
Il fit un bond en avant tout en poussant un glapissement minable. Les autres sursautèrent alors qu'il frottait vigoureusement son postérieur.
- Foutu moustiques ! s'écria-t-il. Comment un si petit truc peut-il faire aut…
S'arrêtant en pleine tirade, il se pencha pour ramasser par terre un petit objet. L'étudiant le nez collé à la main, il fronça les sourcils.
- Qu'est-ce ? s'étonna Nikolas en approchant.
Sans un mot, il lui montra ce qu'il tenait. Une petite aiguille. Un filet de sang était tracé sur sa paume par la pointe de celle-ci.
- C'est quoi ces conneries ?
- Un aiguillon, murmura le sherpa à calvitie. Un aiguillon…
Perdant toutes couleurs, il se rua sur son paquetage et s'empressa d'en tirer une machette. Il dégaina son arme devant ses compagnons, surpris par sa réaction, comme il scrutait les hauteurs des toits environnants.
- Allez repartons, déclara citadin d'un ton jovial. J'ai hâte de découvrir des…
- Silence ! ordonna Nikolas avec autorité. Vous…
Un hoquet l'interrompit à son tour. Tous se tournèrent vers lui alors qu'un nouveau haut-le-cœur lui agitait les épaules. Il s'appuya sur le mur proche pour conserver son équilibre, se cachant la bouche du dos de la main.
- Nikolas ? Sa…
Mais il tomba brusquement à genoux et laissa échapper une gerbe écarlate. Pris d'une violente quinte de toux, il se maintint un instant dans cette posture comme aucun n'osait l'approcher. Tétanisés. Puis ses inspirations devinrent un sifflement aigu comme il tentait de respirer. Mais un nouveau soubresaut l'agita, suivit d'une crise de vomissement supplémentaire. Il s'effondra enfin, tremblant quelques secondes avant de finalement s'immobiliser dans un dernier sifflement étouffé.
Paralysés par cette scène qui n'avait duré que quelques instants, les survivants échangèrent des regards paniqués. Blêmissant à vue d’œil, le sherpa tenant l'aiguillon le lâcha comme s'il venait d'être brûlé.
- Foutons le camp ! s'écria son camarade.
Toutefois, le primate qu'ils avaient guidé jusque là protesta vivement :
- Il n'en est pas question ! Nous sommes si près du but et nous…
Il fut happé en pleine protestation par un choc sourd qui le projeta en avant. Hébété, ses deux interlocuteurs le virent s'affaisser sans un bruit. Un long manche de bois lui traversait l'abdomen, la pointe acérée lui ressortant sous le torse de plus d'une dizaine de centimètres. Sans demander leur reste, les deux rescapés tournèrent les talons et fuirent dans la direction opposée.
Mais à peine une dizaine de minutes plus tard, l'un des sherpas fut à son tour pris d'une quinte de toux. Alors que son compagnon dégarni l'exhortait à continuer, il s'effondra et vida ses tripes. Jurant, il l'abandonna à son sort et prit ses jambes à son cou. Il ne savait pas qui les agressait. Il ne savait pas pourquoi. Mais il n'en avait cure. Il ne voulait que quitter cet endroit de cauchemar et retourner à la sécurité toute relative de la foret vierge.
A bout de souffle, il déboula à un embranchement et prit le temps de calmer sa respiration. S'essuyant le front dégoulinant de sueur, il parcouru les trois allées du regard. Mais aucun signe de leur invisible assaillant.
- Foutue cité, cracha-t-il en reculant pas à pas.
Un clapotis dans son dos le fit brusquement sursauter. Il fit volte-face et découvrit un bassin artificiel dans lequel gisait une souche imposante. Une brise rafraîchissante provenant de l'eau stagnante vint le cueillir au visage. Étonnamment, elle n'était pas verdâtre comme les marais tout autour, mais d'un bleu trouble où s'agitaient quelques ombres.
Un sifflement soudain trahi le projectile furtif. Il plongea en avant pour éviter la javeline qui passa au-dessus de lui. Recrachant une gorgée d'eau fraîche, il se redressa et secoua la tête. Prêt à bondir de côté, il parcourut les ruelles du regard. Mais toujours aucun signe de… lentement sa mâchoire s’abaissa lorsqu'une silhouette se détacha des pierres d'un mur face à lui. La couleur de ses écailles virait au vert foncé, plus clair sur l'abdomen. Un reptile bipède était pendu d'un bras à l'arrête du toit. Il se laissa tomber au sol, fixant le primate de ses yeux globuleux et dépourvus de paupières.
- Approche pas ! s'écria-t-il en menaçant l'étrange créature de sa machette. Approche pas ou je coupe en rondelles !
Enfoncé dans l'eau jusqu'aux hanches, il recula pas à pas pour s'éloigner du monstre ignorant ses menaces. Jusqu'à ce que son talon ne bute contre quelque chose qui reflua à son contact.
- Que…
Levant les bras, il réalisa finalement qu'il n'était pas seul dans le bain. Une multitude de créature se cachait sous la surface de l'eau. Il abattit son arme un grand coup, tentant de donner un coup de pied à l'une d'elle qu'il aperçut entre deux reflets de lumière. Malgré ses mouvements ralentis par l'eau, il parvint à toucher sa cible qui passa une seconde à la surface. Un autre reptile. Pas plus gros qu'un chiot.
- T'approches pas ! s'écria-t-il à nouveau en revenant au bipède, arrivé aux pierres délimitant son bassin. J'te coupe en rondelles !
Dos au muret opposé, il pointait son arme vers le caméléon immobile. Attentif. Le reptile avait remarqué le remous au pied du primate paniqué. Pas celui-ci.
Dans une grande éclaboussure, une forme sombre jaillit soudain de l'eau. Surpris, le dégarni ne put frapper cette nouvelle menace qui s'accrocha à son torse avant de peser de tout son poids. Il sentit plus qu'il ne vit la profonde griffure qui lui parcourut le visage du front au menton. Battant des bras, il s'effondra lentement contre la paroi comme un étau implacable se resserrait sur sa gorge. Il poussa un cri étranglé en disparaissant sous l'eau, entraîné par la bête moins pesante que lui mais faisant preuve d'une force prodigieuse.
Immobile, Keg'zalt observa les dernières bulles d'air remonter à la surface du bassin agité de derniers tourbillons qui se teintait de rouge. Il resta un long moment à méditer ce à quoi il venait d'assister.
Dans ce bassin ne venait pas seulement de renaître une génération d'homme-lézards. Un frère de couvée, bien plus puissant, se trouvait parmi eux.